
Des NFT arrivent officiellement dans trois musées en France et en Italie, exposés sous leur forme physique. La première reconnaissance officielle pour l’art numérique crypté.
Jusque-là, l’institution se montrait rétive. Mais voilà que trois musées sérieux exposent le travail de deux artistes numériques très en vue qui travaillent avec les NFT. Rappelons que les NFT (non-fungible token) sont des certificats numériques de propriété inscrits de manière pérenne et sécurisée sur la blockchain (technologie de stockage d’informations chiffrée). Ils sont considérés comme la solution idéale au problème de reproductibilité pour la création numérique. En mars 2021, l’Américain Beeple (né en 1981) a fait les gros titres en vendant chez Christie’s pour l’équivalent de 69 millions de dollars une compilation de 5.000 images de ses créations numériques.
En 2021, le même a créé ce qu’on appelle une oeuvre « phygitale » (à la fois digitale et physique) : dans une espèce d’aquarium oscillant, constitué de quatre écrans rectangulaires, « Human One » figure un astronaute en train de marcher dans un décor en perpétuelle métamorphose, téléguidé par son auteur. L’oeuvre, exposée au Castello di Rivoli, près de Turin, évoque dans son imagerie « L’homme qui marche » de Giacometti. Elle est présentée à côté d’un portrait de Francis Bacon de 1956-1957 et non loin d’une oeuvre futuriste de Giacomo Balla datant de 1915.
Carolyn Christov-Bakargiev, qui est à la tête du musée piémontais, y croit fort : « Dans le tableau de Bacon comme dans la sculpture de Beeple, il existe une sorte de boîte existentielle dans laquelle est enfermé le personnage. Pensez-vous qu’Andy Warhol a été accepté lorsqu’il a présenté ses Campbell’s Soup Cans ? »
Nouvelles audiences
Au Centre Pompidou-Metz, dans la nef, la directrice, Chiara Parisi, exposera bientôt « Machine hallucinations, rêve de nature », une oeuvre assortie d’un NFT qui prend la forme d’une gigantesque installation de l’artiste turc installé à Los Angeles Refik Anadol (né en 1985) : 100 m2 d’images mouvantes composées d’une synthèse de données publiques sur la nature, recomposées à l’aide d’une intelligence artificielle.
En novembre dernier, le MoMA de New York faisait déjà intervenir Anadol sur son site mais sans lui acheter une pièce ni lui confier un espace physique dans le musée. « Il déploie la technologie dans une direction inédite, justifie Michelle Kuo, conservatrice au MoMA. Nous recherchons de nouveaux publics. »
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Au palais Strozzi, à Florence, non loin de la sublime exposition consacrée au sculpteur de la Renaissance, Donatello, on trouve aussi un Beeple et un Anadol. Les visiteurs sont comme hypnotisés devant ce dernier qui joue tout en sinuosités avec les illusions de profondeurs et de matière. « Nous voulons montrer des choses inédites », conclut le directeur Arturo Galansino, qui n’est cependant pas prêt à s’engager sur l’avenir de la carrière des deux artistes.

NFT DANS 3 MUSÉES
ART
Expressions avec fractions. Jusqu’au 25 septembre. castellodirivoli.org
Refik Anadol. Du 11 juin au 29 août. centrepompidou-metz.fr
Passons au numérique. Jusqu’au 31 juillet. palazzostrozzi.org
Sources : https://www.lesechos.fr/weekend/livres-expositions/les-nft-entrent-en-force-au-musee-1412604